
Réhabiliter la vérité : Réponse aux récits erronés sur l’éthique et l’histoire africaines
À l’ère du discours numérique et des réveils idéologiques, nous devons rester vigilants face aux récits qui déforment l’héritage et l’éthique africains. Récemment, j’ai visionné une vidéo partagée par un frère sincère dans un groupe WhatsApp auquel j’appartiens.
L’orateur, Coovi Gomes défenseur passionné de l’idéologie Khémite affirme que les Africains noirs sont naturellement non-représaillants en raison de la « règle d’or » qui leur aurait été inculquée, insinuant que cette disposition provient de la Bible.
Cette affirmation, bien que provocante, néglige une vérité bien plus profonde : Ubuntu philosophie africaine enracinée dans la dignité communautaire et la responsabilité morale existait bien avant l’arrivée des Européens et des missionnaires chrétiens. Ubuntu enseigne : « Je suis parce que nous sommes », mettant en avant l’interconnexion, la compassion et le soin mutuel. Ce n’est pas une doctrine de passivité, mais une boussole de conduite éthique.
La règle d’or ne nous interdit nullement de corriger l’injustice, de défendre nos droits ou de résister à l’oppression. L’histoire en témoigne. Shaka Zulu, entre autres, incarnait Ubuntu tout en défendant farouchement son peuple et en établissant la justice. Ubuntu n’est pas un frein à l’action c’est un guide vers la dignité.
Langue et esclavage : Une lecture erronée des réalités africaines
Dans une autre vidéo, M. Kalala Omotunde soutient que les dialectes africains ne possèdent pas de mots pour désigner l’esclavage, suggérant ainsi que les Africains ne l’auraient jamais pratiqué. Cette affirmation est non seulement linguistiquement inexacte, mais aussi historiquement trompeuse.
Les langues africaines sont riches et diverses, et beaucoup contiennent des termes distincts pour l’esclavage et le travail. Par exemple :
| Langue | Terme pour « esclave » | Terme pour « travailleur » |
|——————|————————–|——————————-|
| Gouran | Eger | — |
| Ga | Nyɔ̃ŋ | Noutsoulɔ |
| Ashanti | Akoa | Edjumayefuɔ |
Ces exemples et bien d’autres démontrent que les sociétés africaines reconnaissaient et nommaient clairement les systèmes de servitude. Les nier revient à effacer des preuves linguistiques et une complexité historique.
De plus, prétendre que seuls les étrangers ont réduit les Africains en esclavage ignore les pratiques internes. Parmi les Wolof, Toubou, Kanouri, Zerma et Ouaddaï, l’esclavage existait et les hiérarchies sociales étaient rigides. Il était souvent interdit aux nobles d’épouser des esclaves. Même Cheikh Anta Diop, vénéré par les khémites, était de l’aristocratie wolof et ne pouvait épouser une esclave ou une forgeronne wolof. Ces réalités doivent être reconnues si nous voulons dialoguer avec honnêteté.
Mémoire sélective et danger du biais idéologique
Bien que je respecte la passion de ces orateurs, leur mémoire sélective et leur biais idéologique sont préoccupants. Coovi Gomes, qui vénère l’Égypte ancienne, semble avoir oublié la Maât principe khémite de vérité, d’équilibre et de justice. Il néglige également les déclarations des droits humains de l’empire du Mali et d’autres civilisations africaines qui valorisaient la dignité et la loi.
Son rejet du christianisme et de l’islam semble davantage motivé par une aversion personnelle que par une analyse historique. Pourtant, ces deux religions ont joué des rôles complexes dans les sociétés africaines parfois oppressifs, souvent émancipateurs. Ignorer cette dualité revient à simplifier une histoire riche et douloureuse.
Refuser de confronter nos erreurs passées ne fait que garantir leur répétition. Comme le dit avec sagesse un proverbe chinois :
« Celui qui blâme les autres a encore un long chemin à parcourir. Celui qui se blâme lui-même est à mi-chemin. Celui qui ne blâme personne est arrivé.
La vie est un voyage—rempli de leçons, de détours et de décisions. Mais nous ne devons pas nous laisser distraire par ceux qui étaient censés être des passagers, et non des navigateurs. Si nous jetons des pierres à chaque chien qui aboie, nous perdons notre élan et manquons notre route.
Ekpa : Diriger avec vérité, vivre avec intention
Réapproprions-nous notre histoire avec honnêteté, notre éthique avec clarté, et notre avenir avec détermination.









