
Le tribalisme est la force la plus puissante en Afrique
Le tribalisme. Le mot même évoque des images à la fois familières et troublantes à travers le continent africain. C’est le fil invisible qui a tissé ensemble des communautés, offrant un sentiment d’appartenance et une identité partagée à travers les générations. Pourtant, ce même fil, avec une efficacité brutale, s’est effiloché et rompu, laissant derrière lui de profondes blessures de conflit, de division et de progrès anéanti. Prétendre que cette force puissante ne pulse pas au sein de nos systèmes, comme les « Kémits » sont accusés de le faire en se concentrant uniquement sur la religion, n’est pas seulement naïf – c’est une négligence périlleuse qui menace de nous plonger dans un avenir de plus en plus volatile.
L’histoire est remplie des fruits amers d’un tribalisme incontrôlé. Le génocide rwandais, une cicatrice qui refuse de s’estomper, témoigne horriblement de la rapidité avec laquelle des différences tribales perçues peuvent être transformées en une brutalité inimaginable. Plus près de nous, d’innombrables conflits plus petits, souvent non rapportés sur la scène mondiale, couvent et éclatent en raison de loyautés tribales profondément ancrées qui s’affrontent pour les ressources, le pouvoir et l’identité. Des tensions ethniques qui ont frappé les nations de la région des Grands Lacs à la fragmentation politique observée en Afrique de l’Ouest selon les lignes tribales, la preuve est indéniable : le tribalisme n’est pas une relique du passé ; c’est un danger présent et puissant.
Le tribalisme ne prospère jamais, car lorsqu’il le fera, tout le monde le respectera comme un véritable nationalisme, et personne n’osera l’appeler tribalisme.
Ernest Gellner
Ignorer cette réalité et se fixer uniquement sur la religion, comme le suggère la critique, c’est fondamentalement mal comprendre la complexité de l’identité africaine et les leviers de la division sociétale. Bien que la religion joue sans aucun doute un rôle important dans de nombreuses sociétés africaines, elle s’entremêle souvent avec les affiliations tribales, exacerbant parfois les tensions ou devenant une autre ligne de fracture le long de laquelle des conflits peuvent éclater. Ignorer les structures préexistantes de loyauté tribale revient à traiter une blessure superficielle alors qu’une infection plus profonde s’aggrave à l’intérieur.

L’argument n’est pas que la religion n’est pas importante, mais plutôt qu’elle ne peut pas être considérée isolément des puissants courants sous-jacents du tribalisme. La rationalité exige une compréhension holistique des forces qui façonnent nos sociétés, positives et négatives. Prioriser l’une tout en négligeant volontairement le potentiel destructeur de l’autre n’est pas un signe d’illumination, mais une recette pour une catastrophe future.
Pour l’avenir, les dangers d’ignorer le tribalisme ne font que s’intensifier dans un monde de plus en plus imprévisible. Le changement climatique exacerbera la concurrence pour des ressources en diminution, ce qui pourrait déclencher des conflits le long des lignes tribales existantes. L’urbanisation rapide et l’érosion des structures sociales traditionnelles pourraient créer de nouvelles anxiétés et vulnérabilités, rendant les individus plus susceptibles à la rhétorique divisive de la politique identitaire tribale. L’essor des médias sociaux, tout en offrant des opportunités de connexion, constitue également un terreau fertile pour la propagation rapide de la désinformation et des discours haineux qui peuvent facilement exploiter les préjugés tribaux.
De plus, la notion même d’une identité « kémite » monolithique, apparemment présentée comme une alternative au tribalisme, risque de créer sa propre dynamique de « nous contre eux ». Bien que la recherche d’un patrimoine culturel commun puisse être unificatrice, elle doit être abordée avec nuance et inclusivité, en veillant à ce qu’elle ne marginalise ou n’exclue pas involontairement d’autres groupes et ne crée pas de nouvelles formes de division.
Le tribalisme est un péché récurrent de notre espèce. Nous aimons nous sentir plus justes en jugeant nos voisins, et nous l’aimons encore plus lorsque nous pouvons le faire en groupe.
Andrew Moody
La voie à suivre exige une confrontation courageuse et honnête avec les complexités du tribalisme. Cela ne signifie pas effacer les identités culturelles, qui ont une valeur et une richesse immenses. Au lieu de cela, cela nécessite de favoriser un sentiment d’unité nationale qui transcende les affiliations tribales, de promouvoir une gouvernance inclusive, d’assurer une répartition équitable des ressources et de lutter activement contre la rhétorique de la division.
L’éducation doit jouer un rôle crucial dans la promotion de la pensée critique et la remise en question des préjugés enracinés.
Si on se dispute tous les jours,
on prie les démons.
Les « Khémites », ou tout groupe recherchant un avenir positif pour l’Afrique, ne peuvent se permettre de fermer les yeux sur les dangers bien documentés du tribalisme. Le faire, c’est ignorer les leçons de notre passé et marcher, les yeux grands fermés, vers un avenir assombri par des conflits et une fragmentation évitables. La rationalité exige que nous affrontions ce défi de front, en reconnaissant son pouvoir et en travaillant activement à construire des sociétés où la citoyenneté partagée et le but commun triomphent de l’attraction divisive de l’allégeance tribale. Les cicatrices invisibles du passé servent d’avertissement sévère ; ne laissons pas les ombres menaçantes de l’avenir être projetées par notre ignorance volontaire.